De l’Algérie à l’Irak, comment fonctionne la corruption
Deux cas d’école : l’Algérie et l’Irak, à propos d’un phénomène qui concerne tout
le monde arabe, et bien au-
Sep 22, 2021
By JEAN-
Source: https://orientxxi.info/lu-
La dénonciation rituelle de la corruption des régimes en place est le pont-
Son éditeur, Assafir Al-
UN INSTRUMENT DE POUVOIR
Dans le cas présent, Daho Djerbal et Rachid Sidi Boumedine, deux intellectuels reconnus
dans leur pays, n’analysent pas la corruption en Algérie comme l’effet pervers d’une
absence de moralité chez nombre de responsables, ni la conséquence d’un manque de
respect des règles de bonne organisation des pouvoirs publics. À leurs yeux, c’est
un système d’organisation, un instrument de pouvoir qui régente l’État pour l’un,
la société tout entière pour l’autre. Selon Daho, la rente pétrolière et foncière
alimente une oligarchie qui règne sur une multiplicité de clientèles. En même temps,
l’État détient la structure administrative et les leviers de pouvoir qui seuls donnent
accès à la rente. Avec l’oligarchie, il prend en main les facteurs de production
et exploite la main d’œuvre locale bon marché. « Cette alliance de la classe-
Son compatriote Boumedine, qui connait bien le secteur immobilier algérois, pose
que la corruption doit être « acceptée » par la société pour fonctionner en tant
que système. La gouvernance globale veille à l’asservissement et à la dépendance
organisée de différentes couches du peuple qui doivent « payer » pour jouir de leurs
droits légitimes. Le service public, en théorie gratuit et accessible à tous, est
en réalité payé, d’une façon ou d’une autre, par son bénéficiaire. La famille, le
village, la tribu abritent des réseaux qui fonctionnent selon le système du don et
du contre-
LA PRIMAUTÉ DE L’APPARTENANCE RELIGIEUSE OU ETHNIQUE
En Irak, le fondement de la corruption est politique. L’organisation du pouvoir, empruntée au modèle imposé par les impérialistes français il y a un siècle au Liban avec le succès que l’on sait remonte à l’occupation américaine après l’invasion de 2003. Le principe en est confessionnel ou ethnique. Les trois communautés (chiites, sunnites, Kurdes) ont chacune leur parti dominant qui organise la société et financent sur la rente pétrolière leurs « bureaux économiques ». Ils se disputent sans ménagement les sièges de députés, les postes de ministres, la direction des entreprises publiques. La compétence s’efface devant l’appartenance religieuse ou ethnique, et l’État national n’est plus qu’une ombre qui cache mal les agissements des partis au pouvoir. Jadis, dans leur opposition aux baasistes de Saddam Hussein, ils dénonçaient pourtant bruyamment depuis l’extérieur la corruption du régime de Saddam Hussein, sans commune mesure avec celle qui règne aujourd’hui sur les bords du Tigre. Les délits financiers auraient atteint le montant record de 350 milliards de dollars (298 milliards d’euros) entre 2003 et 2018 !
En Algérie, le Hirak, cet immense mouvement populaire qui a « dégagé » le président
Abdelaziz Bouteflika en 2019 et s’est poursuivi avec des hauts et des bas jusqu’à
l’arrivée de la pandémie du Covid-
À l’occasion des nombreux procès de dirigeants de l’ancien régime algérien, l’opinion
a pu entrevoir l’étendue du système, et aussi comprendre que les juges ont impliqué
certains mais en ont oublié d’autres. Ce rejet politique du « système-
*Journaliste, ancien directeur du Nouvel Économiste et ex-